La lutte contre la précarité des jeunes: un enjeu de survie pour notre société

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Jamais depuis la fin des grandes guerres en Europe, nos sociétés démocratiques ont été confrontées à tant de remises en cause qu’aujourd’hui. Les valeurs sur lesquelles elles reposent n’inspirant plus confiance, de plus en plus de personnes, notamment les plus jeunes, basculent dans la radicalité politique, qu’elle soit religieuse ou d’extrême droite. Les raisons de ces basculements sont multiples, et toutes les causes ne pourront être traitées dans le présent développement. Il y en a toutefois une qui me semble tout à fait essentielle et que j’aimerai aborder dès à présent, il s’agit des inégalités croissantes intergénérationnelles qui entrainent une précarité des jeunes et menacent, pas exclusivement, mais toutefois dans une large partie, nos démocraties et leurs valeurs aujourd’hui.

La précarité croissante des jeunes générations, prise dans son ensemble, est une situation qui s’observe depuis un certain nombre d’années et qui est un symptôme profond témoignant d’un manque de cohésion sociale. En effet, la jeunesse actuelle est incontestablement la plus touchée par les difficultés économiques que traversent la France et une grande partie de l’Europe.

En premier lieu, elle rencontre des obstacles importants parmi les étapes les plus cruciales de sa vie, notamment quant à l’accès à l’emploi et au logement. Cette situation, qui perpétue depuis de nombreuses années, constitue à mon sens une inégalité excessive qu’il est plus que temps de combattre. Des solutions existent pour inverser cette tendance, encore faut-il que la jeunesse concernée prenne son destin en main et se batte pour ses droits. L’intérêt des lignes qui suivent est précisément de tracer un constat révélant ces inégalités excessives pour ensuite esquisser un certain nombre de pistes de réflexion qui permettraient le cas échéant de réaligner les droits de la jeunesse avec ceux des générations précédentes afin de garantir la cohésion sociale et de lutter contre la propagation de la précarité.

Je le répète, la lutte contre les inégalités générationnelles et les pistes de réflexion envisagées ci-dessous ne permettront pas à elles seules de régler tous les problèmes liés à la précarité des jeunes et d’autres pistes de réforme devront être esquissées, notamment autour de l’éducation, ce qui fera l’objet d’un prochain article. Néanmoins, il me semble que les pistes proposées, qui se cantonnent à des mesures d’ordre économique, certes imparfaites, puissent constituer un fondement pour redonner un souffle nouveau à une génération rencontrant trop de difficultés aujourd’hui à trouver sa place dans la société.

Précarité économique, précarité tout court

Selon les derniers chiffres d’Eurostat datant de février 2016, le taux de chômage des moins de 25 ans en France s’établirait à 25,9%, contre 9,25% pour les personnes entre 25 et 49 ans et 7% pour les personnes ayant plus de 50 ans.

SI la recherche d’emploi peut aujourd’hui se révéler être un réel calvaire pour les jeunes, ceci est d’autant plus vrai quand ils n’ont pas de diplôme. «49% des jeunes non diplômés sont au chômage trois ans après leur sortie du système scolaire contre 25 % en 2001», indique Emmanuel Sulzer, chercheur au Centre d’études et de recherche sur les qualifications (Céreq).

D’ailleurs, même après de longues études, de nombreux jeunes rencontrent des difficultés à s’insérer sur le marché du travail et de trouver un emploi correspondant à leur niveau de formation. Cependant, la précarité des jeunes dans l’accès à l’emploi a des conséquences rudes sur le développement de leur projet tant personnel que professionnel.

Selon des chiffres fournis par l’INSEE et pris dans un rapport de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation (INJEP) datant de 2012, 23% des jeunes de 18 à 24 ans vivent sous le seuil de pauvreté contre 13,5% dans l’ensemble de la population en 2011. Pour les 18 à 29 ans, ce seuil s’établissait en 2012 à 13,2% alors qu’il n’était “que” de 7,9% en 2002. Selon ce même rapport, sur neuf millions de pauvres, la moitié aurait moins de 30 ans et outre les enfants de familles pauvres et les adolescents en situation d’exclusion sociale, figureraient aussi 1 900 000 travailleurs “mal payés”, c’est-à-dire ayant un emploi précaire (CDD, intérim, stage, travail partiel).

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Avec l’évolution actuelle vers un marché de travail de plus en plus flexible et des contrats précaires de plus en plus répandus, l’obtention de crédits bancaires, notamment à des taux favorables, se révèle aussi être de plus en plus compliqué. En effet, sans même porter un jugement de valeur sur le recours croissant à des CDD, il va sans dire que ceux-ci n’inspirent pas autant confiance auprès des établissements de crédit que des CDI et qu’in fine le travailleur en CDD se trouve largement désavantagé en raison d’un manque de prévisibilité de sa situation professionnelle à moyen terme.

L’accès au crédit, nécessité absolue pour une large partie des primo-accédants à la propriété, est aujourd’hui une des difficultés résultant d’un marché de l’emploi défavorable pour les jeunes avec de moins en moins de prévisibilité. De plus, les jeunes d’aujourd’hui font face à des dépenses pour se loger extrêmement importantes qui souvent les empêchent à capitaliser une partie de leurs revenus afin d’investir dans la pierre ultérieurement.

Conscient de ce cercle vicieux, le gouvernement a élargi le « prêt à taux zéro », réservé aux particuliers achetant leur première résidence principale, leur permettant de ne pas payer d’intérêts bancaires sur une partie de leur emprunt contracté afin d’accéder à la propriété. Depuis le 1er janvier 2016, ce plafond se situe au niveau de 40% du total de l’opération.  Il est ainsi possible par exemple pour un ménage avec 2 enfants qui achète un logement neuf de profiter d’un emprunt à taux zéro en hauteur de 60 000 pour un coût total de l’opération de 150 000 €.

Si cette initiative est louable et va dans le bon sens, elle reste cependant timide et in fine insuffisante. Le prix flagrant de l’immobilier, une offre réduite dans le parc immobilier neuf ainsi qu’un alignement des droits de mutation à 4,5% viennent souligner ce constat. Selon une étude réalisée par Emprutis, si près d’un quart des demandes de crédit en 2015 concernent des moins de trente ans, ils ne représentent que 18 % des projets financés. De plus, si la part des moins de trente ans est restée stable en crédit immobilier, l’âge des primo-accédants a augmenté de près de 2 ans en 2015 (36 ans et 4 mois contre 34 ans et 5 mois en 2014).

Des dispositifs émergents sous forme notamment de la location intergénérationnelle (se loger chez un sénior afin de partager les coûts) ne sont qu’un symptôme d’une situation absurde envers les jeunes générations qui en dit loin sur leur place dans la société d’aujourd’hui.

Les difficultés économiques et sociales de nombreux jeunes sont intrinsèquement liées au fait que ces derniers sont sous-représentés dans la classe politique. Le pouvoir politique étant aujourd’hui quasi-exclusivement sous les mains des « baby-boomers », ces derniers ont naturellement davantage tendance à privilégier leur propre classe d’âge par rapport à toutes les autres.

Commen agir face à ce constat ?

Les causes du déclin d’une partie de la jeunesse dans la société d’aujourd’hui sont multiples et les remèdes sont eux aussi divers. Il faut en ce sens revoir à la fois la place politique réservée aux jeunes dans notre société, la façon de faire de la politique ainsi qu’adapter le système fiscal vers davantage d’égalité entre les générations. Le développement qui suit se focalisera avant tout sur l’égalité intergénérationnelle sur le plan fiscal.

De prime abord, s’essayer en tant que citoyen à remodeler le système fiscal en vue de le faire évoluer vers moins d’inégalité entre générations est un exercice très difficile tant les mesures proposées ne font pas l’objet d’une évaluation concrète quant aux montant des recettes qu’elles pourraient apporter et peuvent donc facilement être remises en cause quant à leur efficacité. Cependant, sa difficulté ne préjuge en rien la nécessité absolue de l’exercice et les pistes de réflexion proposées ont pour objet de mettre en avant le bon sens pour remédier aux exceptions existantes qui permettent aux plus aisés de se désolidariser en partie de l’effort fiscal et qui s’avèrent aujourd’hui très largement au détriment des jeunes.

Pour ce faire, il n’est non pas tant nécessaire d’injecter des dépenses importantes pour une politique favorable au plus jeunes, qui grèverait par conséquent les comptes et in fine la dette publique, que de redistribuer davantage la richesse entre générations. Les retraités actuels sont en moyenne aujourd’hui dans une situation économique privilégiée et la génération entrant dans l’âge de retraite prochainement est celle qui a été le plus bénie par l’histoire économique du XXe siècle, les fameux baby-boomers. Il est donc temps aujourd’hui d’envisager une réforme fiscale qui vise à harmoniser la pression entre actifs et retraités.

La fiscalité sur le travail: un serpent de mer au détriment des jeunes

Face à l’augmentation, nécessaire, de la taxation des prélèvements sociaux (CSG, CRDS, prélèvement de solidarité) sur le capital au cours des dix dernières années, (de 10,3% en 2005 à 15,5% en 2015), il est aussi important, dans la mesure du possible, de faire baisser les charges sur le travail corrélativement à l’augmentation de la taxation sur le capital. En effet, en France, l’imposition du travail est de l’ordre de 20 à 30% plus importante que la moyenne dans l’OCDE. S’il est légitime que les revenus de remplacement (chômage, retraite) soient financés par les cotisations sociales pesant sur le travail, il ne va pourtant pas de soi que les dépenses liées à la maladie, la famille et la formation soient financées pour une large partie par le travail alors qu’elles bénéficient à tous.

En prenant en compte tous les impôts, taxes et autres prélèvements sociaux, le taux de prélèvements obligatoires sur les revenus du travail atteint 56,61% en France. Soit le deuxième ratio le plus élevé de l’Union européenne.

Comme l’a relevé la Cour des comptes dans un rapport, le financement de la protection sociale repose en France sur trois piliers inégaux. Les cotisations sociales, versées par les salariés et les employeurs, représentent près de 64% des recettes. Les autres ressources proviennent, à hauteur de 16%, des recettes de la contribution sociale généralisée (CSG) et, à hauteur de 12%, des autres impôts et taxes affectés à la sécurité sociale (ITAF).

Si un rééquilibrage plus efficace de cette fiscalité pesant sur le travail est délicate, il est pour le moins nécessaire d’harmoniser le taux de la CSG entre salariés et retraités, les premiers étant actuellement soumis à un taux de 6,6% alors que les seconds acquittent l’impôt au taux de 7,5%, ce qui ne se justifie aucunement au regard de leur situation économique respective prise dans son ensemble.

Cette proposition s’inscrit dans la logique d’un rééquilibrage plus large de la charge fiscale entre actifs et retraités. Le système des prélèvements obligatoires français repose sur la taxation des actifs au profit des retraités bénéficiant eux de prélèvements sociaux allégés sur leurs revenus et leur consommation. Si cette situation se justifiait complètement à la fin de la seconde guerre mondiale où les retraités se trouvaient dans une situation économique très dégradée, elle doit aujourd’hui être remise en cause en tant que les retraités perçoivent un revenu moyen identique à celui des actifs et supérieur à celui des jeunes actifs pour un patrimoine souvent assez conséquent.

Il faut aussi s’interroger quant à l’opportunité de l’abattement de 10% automatiquement appliqué sur le montant total déclaré de pensions et de rentes au lieu d’imposer une plus grande progressivité en fonction du montant de la retraite ou de la pension. Les recettes supplémentaires ainsi perçues devront se traduire corrélativement par une baisse de la fiscalité favorable aux plus jeunes.

Dans ce contexte, l’allègement des charges patronales joue un rôle important mais encore s’agit-il de nuancer ces propos. En effet, si un allègement des charges patronales sur les salaires les plus bas peut avoir effet bénéfique sur l’emploi, a contrario, une diminution des charges sur les rémunérations élevées a pour conséquence une augmentation corrélative des salaires, selon le principe de l’offre et de la demande. C’est dans ce contexte que la baisse des charges sur les bas salaires, tel qu’elle se pratique depuis un certain nombre d’années est absolument essentielle pour favoriser l’emploi, notamment des jeunes tout en ne négligeant pas l’importance d’insister et de promouvoir simultanément la formation professionnelle des demandeurs d’emplois afin de faciliter leur intégration sur le marché du travail.

La baisse des charges sur le bas salaires: des efforts visibles pour des résultats encore modestes

Ce concept de la baisse des charges sur les bas salaires, qui a été conçu lors du quinquennat précédent par le gouvernement Fillon et qui est toujours applicable et élargi dans le cadre du « pacte de responsabilité », prévoit que les salaires versés inférieurs à 1,6 fois le SMIC ouvrent droit à une réduction des cotisations patronales au titre des assurances sociales (maladie, maternité, invalidité, vieillesse, décès) et des allocations familiales.

La baisse des charges sur les bas salaires a ensuite été déboublée par  le « CICE », (crédit d’impôt compétitivité emploi), entré en vigueur au 1er janvier 2013, dont le principe consiste à octroyer une réduction d’impôts aux entreprises, proportionnellement à leur masse salariale, pour les salaires compris entre le SMIC et 2.5 fois le salaire minimum, avec le pari que la baisse des charges sur le travail, générée par ce mécanisme, inciterait les entreprises à embaucher et à investir.

Cependant, comme l’expliquent les économistes Marc Guyot et Radu Vranceanu : « une réduction de l’impôt sur les sociétés assise sur la masse salariale met en marche des mécanismes économiques très différents (à une hausse des embauches). Selon ces derniers « il apparaît évident que si les sommes dégagées ne sont pas utilisées à augmenter leur compétitivité via une réduction des prix des biens et services produits, le CICE n’aura aucun effet sur l’emploi ». Or les salaires mensuels dans le secteur privé (entreprises de 10 salariés ou plus) ont augmenté au second trimestre de 2014 de 0.4%, après une hausse de 0.6% au premier trimestre.

Au stade actuel, une partie importante du CICE a manifestement été utilisée pour augmenter les salaires ce qui est en contradiction totale avec l’objectif de restauration de la compétitivité de l’industrie française censée soutenir l’emploi. Les syndicats ont fait passer leur objectif de défense des travailleurs déjà détenteurs d’un CDI au détriment des chômeurs et de la compétitivité des entreprises avec comme résultat que le CICE a notamment été utilisée pour verser des dividendes aux actionnaires.

Ces manœuvres qui tendent à minimiser la charge fiscale pesant sur les entreprises embauchant des travailleurs à bas salaire nécessitent donc d’être mieux ciblées et de favoriser davantage les PME exposées à la concurrence internationale qui en profitent pour améliorer leur compétitivité  tout en les liant à des contreparties concises.

Le nécessaire rapprochement des contrats de travail

Dans ce contexte, il est aussi nécessaire d’insister sur un rapprochement des conditions entre les CDI et les CDD qui constituent une inégalité colossale dans l’entrée de jeunes salariés dans le monde du travail, condamnés très souvent à des emplois précaires. Pour illsutrer, de la période de 1982 à 2011, le nombre d’emplois précaires pour les 15 à 24 ans à quasiment triplé, un jeune sur deux ayant été embauché à l’aide d’un contrat précaire (chiffres de 2011) alors que cette tendance, même si elle s’est aussi confirmée pour d’autres catégories d’âge, est toutefois largement plus nuancée.

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Cette idée d’un rapprochement entre les contrats de travail, pouvant être décriée comme un nivellement vers le bas des valeurs progressistes des travailleurs construits depuis plus d’un siècle, doit cependant être mis en perspective. Tout d’abord, un contrat unique ne préjuge en rien d’augmenter à priori le temps du travail et de baisser la rémunération qui y est afférente. Il s’agit avant tout de s’attaquer aux inégalités dans l’emploi qui opposent les travailleurs principalement entre ceux embauchés en CDI et en CDD. A fortiori, le débat peut être axé sur le fait de savoir comment persister dans le contexte de la libre concurrence européenne et mondiale, sachant que la compétitivité des entreprises joue un rôle majeur et qu’une flexibilisation des conditions de travail, avec des limites clairement établies, doit faire l’objet d’un débat serein entre partenaires sociaux dans l’objectif de dynamiser l’accès à l’emploi, ce qui, au regard de la faible syndicalisation des travailleurs francais et d’une absence réelle de culture du dialogue entre les différents représentants, n’est pas du tout évident.

L’idée pourrait toutefois être celle d’un contrat unique (hors intérim) dans le cadre duquel les entreprises peuvent plus facilement licencier des salariés pour des motifs économiques, avec en contrepartie des indemnités de licenciement payés aux salariés qui seraient importantes pendant les premiers 24 mois de l’embauche, pour s’assouplir progressivement vers la suite. Ainsi, les contrats de courte durée seraient dotées d’une certaine sécurité sous forme d’indemnités de licenciement importantes permettant au salarié licencié de pouvoir trouver un emploi ailleurs dans des conditions satisfaisantes, sans tomber directement dans la précarité. La période d’essai serait cantonnée à six mois non renouvelables. Cette flexibilisation permettrait aux patrons d’embaucher davantage et aux chômeurs, et notamment aux jeunes chômeurs, d’accéder plus facilement à l’emploi.

La dynamisation du marché du travail ne peut pas que se traduire par un nivellement vers le bas dans le rapport de force entre l’employer et l’employé, mais doit être dédoublée d’une plus grande justice fiscale, notamment quant à l’imposition sur le capital afin de lutter effectivement contre les inégalités sociales.

La fiscalité sur le capital: un enjeu de rééquilibrage des inégalités générationnelles

Si la fiscalité sur le capital a largement augmenté au cours des dix dernières années, il reste qu’elle n’a pas toujours été adaptée à la situation actuelle des jeunes. Pourtant, des pistes existent afin de faire évoluer cette fiscalité vers davantage d’égalité entre générations.

La taxation du capital en France est un sujet très controversé. En l’analysant de manière plus précise, il est nécessaire de distinguer la taxation entre les plus values mobilières et les plus values immobilières. En ce qui concerne les premières, elles sont largement au dessus de la moyenne européenne, se situant grosso modo entre 46 et 61% selon le revenu alors que de nombreux autres pays européens appliquent un taux forfaitaire de 27%. Cette première catégorie de taxation, frappant notamment les titres et actions, est en ce sens largement préjudiciable à l’investissement des ménages dans les entreprises.

Par contre, les plus-values immobilières sont imposées à un taux de 23% alors que certains pays tels la Grande-Bretagne les impose à un taux fixé à 28% par exemple. Cependant, ce sont les secondes qui ont tendance à s’accroître dans le temps et qui profitent quasi exclusivement aux baby-boomers et aux générations les plus âgées en tant que ce sont elles qui sont le plus susceptibles de profiter d’un patrimoine immobilier conséquent.

Pour cette raison, imposer davantage les plus values immobilières pour corrélativement faire baisser l’imposition sur les plus-values mobilières pourrait être une mesure qui s’attaquerait directement aux inégalités générationnelles sans être préjudiciable à l’investissement des entreprises et en faisant contribuer les générations plus âgées d’une manière qui puisse directement profiter aux jeunes, notamment à travers l’accès à l’emploi. En ce sens, la taxation des plus values immobilières devrait aussi être étendue aux résidences principales, le tout dans l’objectif de réaffecter les recettes dégagées en vue de financer l’investissement des entreprises et la sécurité sociale. Il est important d’insister sur ce point : il ne s’agit pas de prélever des taxes supplémentaires dans le seul but de faire baisser la dette ou le déficit, mais avant tout pour favoriser l’investissement et la dynamisation du marché de l’emploi.

De même, il faut revoir à la baisse les abattements pour durée de détention de la plus-value immobilière. Ainsi il ne me semble pas approprié que la plus value immobilière puisse profiter d’un abattement pouvant atteindre 100% du montant après 22 ans alors que la valeur immobilière n’a tendance qu’à se démultiplier avec le prix croissant de l’immobilier.

Enfin, pour soutenir les jeunes dans l’accès à l’emploi, il est important de prévoir des mesures de soutien pour ces derniers. En ce sens, étendre le revenu de solidarité active (RSA) aux jeunes de moins de 25 ans qui sont en recherche active d’un emploi est aussi une mesure indispensable pour favoriser les conditions de la transition entre leur formation et l’intégration du marché du travail qui s’avère aujourd’hui trop souvent périlleuse pour de nombreux jeunes.

Favoriser l’égalité des chances pour assurer la pérennité d’une cohésion sociale plus nécessaire que jamais

Certains économistes, tel Thomas Piketty, insistent depuis de nombreuses années sur le fait qu’avec la croissance économique faible qui s’installe depuis le début du XXIe siècle, le capital acquis s’accumule plus rapidement qu’il ne permet au travail d’en générer. Il semble que ce soit cette inégalité à laquelle est confrontée une partie des jeunes générations aujourd’hui. Car même s’il est possible de débattre sur la véracité de cette théorie émise par Piketty, certains estimant au contraire qu’étant donné que 60% des Français sont propriétaires de leur logement, la valorisation patrimoniale ne profiterait pas uniquement aux plus riches, il reste que les jeunes aujourd’hui ont de plus en plus de mal à accéder, voire accèdent de plus en plus tard, au rang de propriétaires pour eux aussi profiter de cette dynamique.

La redistribution du patrimoine aujourd’hui se fait en grande partie soit par des donations ou des héritages, souvent d’ailleurs quand les bénéficiaires ont atteint autour de la cinquantaine, alors qu’ils n’en ont plus forcément besoin à cet âge pour se construire une existence propre. Cette situation est intenable car elle porte atteinte à l’égalité des chances et des résultats qui doivent être des valeurs cardinales de notre société. En effet, les enfants de parents ayant la possibilité de les faire bénéficier d’une partie de leur capital pour se construire une existence sont largement privilégiés par rapport à ceux qui ne peuvent profiter d’une telle manne financière. De plus, l’idée que les jeunes générations d’aujourd’hui ne pourraient que se construire leur propre existence en ayant recours à l’aide de leurs parents est insupportable, tant il est important que chacun puisse concevoir sa propre situation de manière autonome, sans devoir recourir à l’aide de ses parents.

La génération des soixante-huitards, les fameux baby-boomers, ont eux exprimé cette capacité à se mobiliser collectivement afin de lutter pour leurs droits dans un contexte économique qui s’annonçait déjà inquiétant pour les jeunes à la fin des années soixante. Les accords de Grenelle leur ont permis d’accéder plus rapidement à la propriété et plus largement à la prospérité économique. Aujourd’hui, alors que la détresse économique est extrêmement importante, la jeunesse apparait profondément divisée entre ceux qui sont réellement concernés par le contexte économique défavorable, et ceux qui ne se sentent pas nécessairement concernés car ils profitent d’une aide financière importante de la part de leurs parents ou acceptent tout simplement leur sort.

Cette désolidarisation entre les jeunes s’exprime par le fait que ces derniers semblent largement avoir perdu l’espoir qu’en se révoltant ils peut faire bouger les choses et qui par conséqueent ne se précipitent pas à bousculer et à pousser vers la sortie la génération établie comme l’avaient fait les soixante-huitards à leur époque. Cependant, l’espoir d’un avenir meilleur passe nécessairement par la solidarité collective, aussi celle d’une génération par rapport à une autre. Difficile d’y croire dans des temps où les nouvelles technologies et les réseaux sociaux font l’illusion du lien social entre les individus et cachent en réalité le paroxysme de l’individualisme de nombreux jeunes qui s’oppose à toute construction de réels liens sociaux, constitant toutefois la conditio sine qua none de tout projet politique.

Face à la montée des radicalismes de tout bord et face à la « fuite des cerveaux » de plus en plus importante, la jeunesse d’aujourd’hui est dans le devoir de réinventer les réels liens sociaux qui les unissent à travers une conscience collective ainsi que de redonner un nouveau souffle au fondement démocratique de nos sociétés qui semblent plus que jamais vaciller. La lutte de la jeunesse pour ses propres droits est une condition préalable essentielle à la pérennité de toute société, et elle est aujourd’hui plus que jamais nécessaire.

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