La guerre contre le terrorisme : un facteur de prolifération du djihadisme mondial

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Les attaques terroristes du 11 septembre 2001 ont bouleversé le cours de l’histoire récente. La « guerre contre le terrorisme » qui s’en est suivie, d’abord en Afghanistan, puis en Iraq, avant de s’étendre sur d’autres terrains, au Moyen-Orient comme en Afrique, fait désormais partie de l’actualité quotidienne. Cette « guerre » proclamée par les puissances occidentales, Etats-Unis en tête, a surtout donné un nouveau souffle aux phénomènes terroristes à l’échelle mondiale en leur conférant une légitimité et une force d’impact sans précédents dans l’histoire.

Dans un monde dans lequel l’instantanéité, la réaction et la riposte apparaissent à chaque instant comme des nécessités absolues, le terrorisme peut grandir sur un terreau très fertile. Comme aujourd’hui la réflexion et l’autocritique sont vécues comme des signes de faiblesse insupportables, chaque attaque terroriste nécessite absolument une réponse sous forme d’un virage sécuritaire et/ou d’une intensification de bombardements sur les terrains de guerre. Ce faisant, la propagande terroriste a atteint son but, celui de déstabiliser l’adversaire et de provoquer en lui une réaction permettant aux terroristes de légitimer leur combat.

En effet, le terrorisme se nourrit de la haine et de l’injustice qui sont de purs phénomènes de réaction. Le terrorisme ne tire sa légitimité non pas d’un acte créateur, il ne fédère que par la destruction, pour ainsi vouloir rétablir une injustice. La propagande terroriste attirant des combattants à travers le monde se nourrit de l’injustice, mêlée à une bonne portion de désinformation, que l’Occident a généré, depuis la chute de l’Empire ottoman, à travers ses interventions militaires dans cette partie du monde. La promesse d’un Etat palestinien, les douloureux mouvements de décolonisation ainsi que la chute de régimes progressistes et laïcs, comme l’Iran de Mossadegh, voire autoritaires mais stables, comme la Lybie de Kadhafi ou l’Iraq de Saddam, et qui avaient le malheur de ne pas vouloir se conformer aux intérêts vitaux des Occidentaux, nourrissent cette propagande djihadiste attirant de nombreux jeunes, en quête d’une mission et d’un sens à donner à leur vie, notamment en Europe.

Dans ce contexte, il faut se rendre à l’évidence que les guerres occidentales, aussi « justes » et légitimes qu’elles puissent paraître aux yeux de certains, se concrétisent sous forme d’actes de guerre qui détruisent des vies d’innocents et qui exacerbent les divisions existantes dans les pays du Moyen-Orient pour in fine profiter aux fondamentalistes.

En l’absence de tout respect des peuples et des Etats du Moyen-Orient à l’autodétermination, phénomène symbolisé avant tout par l’échec et le statu quo des revendications palestiniennes, la radicalité politique peut grandir sur un terreau très fertile. Les islamistes de tout bord n’auraient jamais pu accéder à une telle notoriété dans de nombreux pays du Moyen-Orient sans l’aide, parfois directe, parfois indirecte, parfois volontaire, parfois involontaire, et l’intervention des pays Occidentaux dans les affaires des pays concernés pour y instaurer la fameuse « démocratie » à l’Occidentale, dont il n’existe guère d’exemple réussi dans le monde.

Le djihadiste, notre meilleur ennemi

L’Occident est aujourd’hui avant tout confronté à sa propre hypocrisie. C’est un peu comme dans Frankenstein où la créature échappe à son créateur. En effet, les services secrets américains n’ont pas hésité à former et à armer les groupes terroristes installés en Afghanistan durant les années 1980 pour lutter contre l’invasion soviétique. Ces mêmes services ainsi que leur administration ont par ailleurs toujours fait bon ménage avec les religieux fondamentalistes quand il s’agissait de révoquer un pouvoir en place qui ne leur convenait pas ou tout simplement afin de préserver leurs intérêts. La liaison historique des Etats-Unis avec l’Arabie Saoudite, berceau moderne du salafisme qui nourrit la doctrine djihadiste et finance à l’aide de pétrodollars les fondamentalistes sunnites à travers le monde, ne fait pas exception dans ce domaine. Les ventes d’armes françaises et allemandes aux pétromonarchies, Arabie Saoudite et Qatar en tête, dont la doctrine totalitaire salafiste est pourtant combattue sur les différents terrains de guerre, fait aussi partie de ces hypocrisies occidentales.

Le chaos syrien comme symbole de l’échec de la diplomatie occidentale

La situation en Syrie est certainement l’exemple le plus frappant des erreurs d’appréciaiton des Occidentaux et surtout de la France qui, tout comme en Lybie, a joué un rôle désastreux et défendu une stratégie nihiliste à l’aide d’une diplomatie aveugle et arrogante qui a été extrêmement contreproductive. En effet, la France a été le premier pays à fermer son ambassade à Damas dès le début de l’année 2012 en se privant de ce fait d’une source d’information de premier plan sur l’actualité des évènements sur place. Pour autant, cette absence physique de la diplomatie française sur le terrain n’a pas empêché le quai d’Orsay à Paris à adopter une position extrêmement rigide et inflexible à l’égard du pouvoir à Damas en faisant du départ de Bachar el-Assad une nécessité absolue à toute sortie du conflit. Ce ne sont in fine que les réticences exprimées par Barack Obama sur une intervention au sol en Syrie, suite à de nombreux rapports contradictoires sur l’usage d’armes chimiques par le régime, et la décision du président américain de consulter le Congrès qui ont permis entretemps à la Russie de proposer une issue de sortie et ainsi éviter le chaos total. Cette solution, pragmatique et réussie, consistant à maintenir Assad au pouvoir tout en le contraignant à détruire son arsenal chimique, a marqué une première étape importante à une sortie de crise en Syrie.

Pendant ce temps, la France de même que d’autres acteurs, que ce soit la Russie ou l’Iran, fidèles alliés du régime de Damas, mais aussi le Qatar et l’Arabie Saoudite, fidèles soutiens aux islamistes sunnites sans oublier la Turquie, réelle plaque-tournante du terrorisme voyant plutôt d’un bon œil les fondamentalistes sunnites, ont secrètement mais très fortement armé les milices sur place avant de s’indigner de l’horreur des massacres commis sur les champs de guerre. Par ailleurs, au regard du grand nombre de groupes armés en action en Syrie et de combattants changeant de milice en fonction du « qui paye le mieux », de nombreuses armes ont circulé entre de mauvaises mains et n’ont fait qu’accroitre le désastre humanitaire sur place.

Une solution ne passera que par le dialogue avec tous les acteurs concernés

In fine, la seule issue au conflit en Syrie est le maintien au pouvoir de Bachar el Assad à court terme et la concentration des moyens d’action en faveur du régime de Damas afin de lutter contre les groupes djihadistes, en premier lieu notamment le Front al Nosra et l’Etat islamique. Toute autre solution du conflit se voulant constructive est très peu probable, même s’il peut paraître paradoxal de vouloir garder au pouvoir un dictateur autoritaire qui ne fait pas honneur à son pays. Le maintien au pouvoir d’Assad pourrait aussi être vital à la stabilité du Liban, très dépendant de la Syrie sur le plan politique et désormais submergé de réfugiés syriens majoritairement sunnites qui risquent de compromettre la relative stabilité des équilibres politiques. C’est dans une seconde phase, à moyen terme, une fois les structures d’un Etat remis en place, que devra avoir lieu une nouvelle organisation politique de la Syrie, avec éventuellement la mise en place d’un régime fédéral, tenant compte de la multiplicité des groupes ethniques et religieux cohabitant sur le territoire, et d’une transition démocratique progressive, de préférence sans Bachar, que ce dernier a certainement omis à mettre en place après le fameux printemps de Damas qui s’était dessiné à l’horizon suite à son accession au pouvoir en 2000.

Pour conclure, les puissances occidentales doivent plus que jamais remettre en cause leur stratégie de résolution des conflits et comprendre que ce n’est pas en faisant activement la guerre dans un pays avant d’y imposer leur propre modèle de gouvernance qu’ils pourront susciter l’adhésion des populations locales. La non-intervention doit plus que jamais devenir la règle. Le chemin vers la liberté est un périple long et périlleux, nous devrions le savoir en Europe. Cependant, ce processus doit se faire en respectant le droit à l’autodétermination des peuples et en cantonnant la diplomatie occidentale à un rôle de médiation, de conseil politique et de protection militaire à une aide humanitaire quand celle-ci s’avère nécessaire.

Pour autant, ne soyons pas dupes, la représentation d’intérêts est inhérente aux relations internationales et les conflits persisteront dans le futur. Mais ils ne nécessitent certainement pas à chaque fois la prolifération d’armes de toutes parts qui ne font qu’envenimer les conflits sans produire les moindres résultats. Avec l’espoir que les conflits à venir engendreront moins de désespoir, moins de haine et surtout moins de victimes.

 

 

 

 

 

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