Les bourses étudiantes ciblées par la cour de justice de l’union européenne : La conséquence logique d’un système en défaillance

Le 13 juin 2013, la cour de justice de l’Union européenne  (CJUE) a condamné les Pays-Bas dans l’affaire des bourses d’études pour frontaliers non-résidents, arguant du fait que : « en imposant une condition de résidence (…) aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille à l’entretien desquels ils continuent de pourvoir afin de leur permettre d’obtenir le financement des études supérieures poursuivies en dehors des Pays-Bas, le Royaume des Pays-Bas a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 45 TFUE et de l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CEE) nº 1612/68 du Conseil (…) relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (…) » . La CJUE, quoi qu’ayant condamné les Pays-Bas dans l’affaire en cause, a rendu un jugement qui risque de faire jurisprudence au Luxembourg. En tout cas, la loi du 26 juillet 2010, clamant que les allocations familiales au Luxembourg doivent être supprimées pour les jeunes de plus de 18 ans résidant à l’étranger et remplacées par une «aide financière» de l’Etat pour études supérieures réservée aux seuls résident luxembourgeois, doit être entièrement repensée.

Le système des allocations de bourses étudiantes était de toute façon très mal conçu et extrêmement discriminatoire à l’égard des enfants de frontaliers. Il faut préciser que l’Etat luxembourgeois a remplacé les allocations familiales qui sont redevables par les frontaliers par une bourse étudiante qui ne peut revenir qu’aux étudiants luxembourgeois. Le ministre de l’enseignement supérieur de l’époque, François Biltgen, qui quitte la politique luxembourgeoise pour la CJUE qui vient de censurer cette loi prise sous ses commandes, a tout le mal possible pour essayer de s’expliquer à ce sujet. Il clame tout simplement avec une suffisance qui ne fait pas preuve d’un très grand sens de justice que : « si la Commission européenne lançait une procédure contre le Luxembourg, le système d’aide pour études supérieures devrait être complètement revu. Un système ouvert à tous ne serait pas finançable. »

La question qui se pose est celle de savoir pourquoi au Luxembourg aucune différence n’est faite entre le montant des allocations de bourses étudiantes perçus par chaque étudiant. Si le système veut se justifier de par le fait de ne faire aucune discrimination entre les étudiants luxembourgeois, en voulant soutenir notamment le fait que tous les étudiants doivent avoir les mêmes chances et les mêmes droits ,ce qui a comme effet positif de rendre les étudiants plus indépendants financièrement de leurs parents, il est cependant fondamentalement injuste parce que tous les étudiants n’ont pas les mêmes ressources financières à leur disposition et peuvent avoir des dépenses sensiblement différentes notamment en fonction du choix de leur destination. Par exemple, faire ses études universitaires à l’étranger engent des dépenses complètement différentes par rapport à celles engagées par un étudiant luxembourgeois poursuivant ses études à l’université du Luxembourg. En effet, louer un logement étudiant pendant un an engent des dépenses absorbant plus ou moins en totalité le montant de la bourse. A l’inverse, les étudiants poursuivant leurs études à Luxembourg profitent d’un argent de poche considérable que l’Etat leur verse chaque année ayant probablement comme conséquence qu’ils se déplacent en grande partie chaque matin avec leur propre voiture au parking payant de leur faculté respective.

En ce qui concerne le jugement de la CJUE, celui-ci n’est pas critiquable juridiquement, le fait d’exclure les enfants de frontaliers de bénéficier de cette bourse alors que tous les étudiants luxembourgeois en profitent sans aucune condition et dans le but de favoriser les étudiants luxembourgeois par rapport aux étudiants étrangers ne peut être qualifié autrement que discriminatoire. C’est une conséquence logique d’un système mal pensé.

Cependant, le problème est loin d’être réglé. Jusqu’ici, l’Etat luxembourgeois a dépensé 90 millions d’euros pour ces bourses, ce montant pourrait grimper maintenant jusqu’à 200 millions si les subsides devront être versés de manière rétroactive aux enfants de frontaliers.
Martine Hansen, ministre de l’enseignement supérieur, a déclaré à ce sujet : « Je suis d’avis que nous devons définir davantage de critères pour mieux distribuer les bourses à l’avenir. Mais pas de trop afin que le tout reste gérable administrativement. Ces critères devront en tous cas permettre à ceux qui en ont le plus besoin, de toucher une bourse. »

L’instauration de certains critères parait logique et indispensable, sous condition qu’ils soient bien choisis, et pourrait à la fois résulter dans des coûts supportables pour l’Etat et ne plus créer de discrimination à l’égard de certains étudiants. Le système des allocations familliales doit être entièrement revu et adapté en fonction des allocations de bourse. A ce stade il est difficile à dire quels critères seront finalement retenus. A mon sens, il est nécessaire d’instaurer deux types de bourses. Une bourse sur critères sociaux et une bourse de mobilité, donc une bourse majoritairement en fonction de la destination et axée sur le fait de supporter les frais de logement engagés par l’étudiant logeant à l’étranger. La bourse sur critères sociaux pourrait profiter à tous les étudiants qu’ils résident ou non au Luxembourg dans la mesure où ils ont de faibles ressources financières. La bourse de mobilité serait attribué à tous les étudiants luxembourgeois partant à l’étranger et ayant des frais de logement à couvrir ainsi qu’aux étudiants non-résidents sous condition de se déplacer au Luxembourg ou dans un autre pays que le pays de résidence pour faire leurs études. La CJUE dans son avis avait proposé de donner la possibilité aux enfants de frontaliers d’obtenir un prêt étudiant qui pourra être non remboursable sous condition de travailler plus tard au Luxembourg. Il me semble cependant que cette proposition est difficile à mettre en œuvre, ainsi un frontalier qui n’aurait pas la possibilité ou ne voudrait pas travailler au Luxembourg devrait le cas échéant rembourser un montant considérable à l’Etat luxembourgeois ce qui d’un côté supprimerait les bourses pour ne retenir plus que les prêts et d’un autre côté pose le problème du remboursement d’argent ultérieur à l’administration par un  particulier résidant à l’étranger.

En tout cas, les enfants de frontaliers ont à mon sens tous les droits de toucher une bourse, à la fois une bourse sur critères sociaux s’ils sont financièrement fragilisés peu importe leur destination, et le cas échéant une bourse de mobilité, mais sous condition de ne pas faire leurs études dans leur pays de résidence mais au Luxembourg ou à l’étranger. Il me semble logique que l’Etat luxembourgeois se doit de subventionner les étudiants de non-résidents travaillant au Luxembourg, mais sous condition qu’il y ait une contrepartie de ceux-ci en ce qui concerne cette seconde bourse. La motivation pour l’Etat d’accorder une bourse de mobilité provient du fait de vouloir subventionner des étudiants ayant un lien avec le Luxembourg et qui pourront le cas échéant intégrer l’économie ou plus généralement la vie professionnelle luxembourgeoise en quelques années, qu’ils soient luxembourgeois ou étrangers. Mais il me semble tout de même évident qu’une bourse de mobilité doive comprendre des restrictions, à la fois à l’égard des luxembourgeois comme à l’égard des frontaliers. Reste à voir ce que la ministre concrétisera dans une nouvelle loi.

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