La continuation irréelle de la vie politique luxembourgeoise de 2013

Les élections législatives ont causé un bon nombre de surprises dimanche dernier. A priori peu spectaculaires, ce sont surtout les premières heures après les résultats qui ont donné les premiers signes que le séisme politique que le Luxembourg a connu tout au long de cette année n’est loin d’être terminé. En ce sens, il convient de faire rapidement le point des résultats en axant sur les principaux partis politiques (I) avant de s’intéresser aux discussions de coalition qui ont causé un bon nombre de surprises (II) et de s’interroger finalement sur les conséquences politiques qui résulteront probablement de la nouvelle constellation politique (III).

I. Des résultats a priori peu spectactulaires

Le DP est sans doute le vainqueur de ces élections, gagnant quatre sièges au Parlement (9+4). Ceci est dû à mon sens plus au fait que les électeurs ont voulu un changement dans le monde politique luxembourgeois qu’à cause du fait qu’ils auraient été extrêmement convaincus par le programme électoral du DP qui n’était pas particulièrement précis sur un bon nombre de points, incluant énormément d’incitations de changer certaines choses et de réfléchir sur certains points sans que le parti ait pris une position ferme sur ces sujets.

En ce qui concerne les résultats des autres majeurs partis politiques, il est étonnant qu’à la tête du parti du CSV, Jean-Claude Juncker et Luc Frieden aient été réconfortés par les électeurs et restent largement populaires même s’ils perdent un certain nombre de votes. Après les derniers mois très insolites de la législature 2009 – 2013, on aurait éventuellement pu s’attendre à ce que le CSV ait dû endurer plus de pertes au niveau des votes, en tout cas plus que la perte de trois sièges au Parlement. (26-3)

En effet, à part les différentes affaires politiques dominant notre actualité politique pendant les derniers mois, il me semble surprenant que le CSV n’ait pas davantage été sanctionné à cause de leur politique de non-action qui a été mené au cours des cinq voire même dix dernières années, politique d’ailleurs extrêmement coûteuse qui a fait exploser la dette publique.

Le LSAP quant à lui, après avoir voulu se donner l’image du sauveur de la démocratie en ayant forcé les élections anticipées, ne s’est jamais senti coupable d’aucun des dysfonctionnements des affaires gouvernementales. Il me semble tout de même douteux que dans une coalition gouvernementale, un parti doive endurer l’entité de la responsabilité et l’autre parti puisse se désister de toute responsabilité. Même si apparemment, si on croit les propos de Monsieur Schneider, le LSAP a proposé au premier ministre de démissionner ensemble, il n’a jamais voulu prendre aucune responsabilité pour les dysfonctionnements ayant eu lieu. Le LSAP n’a finalement pas été sanctionné directement par les électeurs, gardant 13 sièges au Parlement, mais du moins les votes perdus du CSV ne lui ont pas profité.

En ce qui concerne les Verts (7-1), ils comptent parmi les perdants de l’élection ayant perdu un siège au Parlement et n’ayant pas non plus pu récupérer les votes perdus du CSV mais ayant probablement dû céder un certain nombre de votes aux autres partis minoritaires.

 II. Le DP et sa vision du premier ministre Bettel secouant la pratique politique luxembourgeoise

Xavier Bettel veut devenir le prochain premier ministre luxembourgeois, ce sont ses propres mots et il semble être plus que déterminé de profiter de l’instant pour réaliser ce vœu. Cependant, le DP aurait dû faire attention de ne pas précipiter les évènements car leur façon prématurée d’agir ne leur a pas généré que des amis.

En premier lieu, le DP a décidé de manière extrêmement précoce d’exclure le CSV des discussions de coalition et de tenter de former une coalition avec le LSAP et les Verts, même avant que le Grand-Duc ait nommé un informateur. Il me semble tout de même absolument douteux que le DP, sans doute le plus grand gagnant des élections, n’entame même pas des discussions avec le plus important parti politique du pays ayant toujours encore 23 sièges au Parlement. Que le DP finalement choisisse de former une coalition avec le LSAP et les Verts et non pas avec le CSV n’est absolument pas critiquable, mais exclure d’office le parti largement majoritaire en ce qui concerne les sièges au Parlement de toutes discussions de coalition me parait absolument inacceptable. De tels agissements de la part du DP sont un affront face à l’électeur car il n’a pas l’intention de respecter à un minimum la réalité des résultats de vote. Il convient cependant de rappeler qu’à part du fait que le CSV garde 23 sièges au Parlement face à 13 pour le DP, Jean-Claude Juncker a reçu 55 968 votes dans la circonscription du Sud face à 32 064 votes pour Xavier Bettel dans la circonscription du Centre.

Charel Goerens (DP) a exprimé son mépris face à de tels agissements et un tel comportement et il me semble qu’il ait complètement raison sur ce point. D’ailleurs il a annoncé ne pas vouloir faire part du prochain gouvernement. Xavier Bettel répète régulièrement qu’il ne s’agit pas de déterminer des sièges de ministres, mais que le programme de coalition compte et prime de manière exclusive. A part le fait pour lui de savoir qu’il deviendra Premier ministre que dans une constellation d’une coalition avec le LSAP et les Verts, il doit être possible de douter de la vérité d’une telle exclamation. En effet, les programmes électoraux entre le DP et le LSAP divergent sur bon nombre de points majeurs. Ces differences peuvent être constatées pour la plupart à la fois au niveau de la politique sociale ainsi qu’au niveau de la politique économique et financière, que ce soient par exemple les modulations de l’index, le salaire social minimum, l’imposition des instituts financiers ou encore l’introduction d’un impôt maximum pour les grandes fortunes. Pour une illustration des différences entre les deux partis, il ne faut que s’intéresser au débat qui a eu lieu sur RTL entre Lucien Lux (LSAP) et Claude Meisch (DP) pendant la campagne électorale. Reste à se demander quel sera l’accord de coalition qui va être trouvé entre ces différences dans les programmes. Aussi, la question doit être posée quel est le poids des Verts dans une telle coalition en tant qu’ils ne comptent que 6 sièges au Parlement.

A mon sens, si le DP avait été réellement courageux, il aurait exclu une coalition avec le CSV avant les élections, au moins on aurait pu s’attendre à ce qu’il le fasse eu égard la célérité avec laquelle le parti était, à l’exception de quelques rares personnes, d’accord  après les résultats d’exclure le CSV de telles discussions. Que le DP ne l’ait pas fait ne me surprend cependant absolument pas, il n’aurait jamais atteint de tels résultats s’il avait exclu d’entamer des discussions de coalition avec le CSV avant les élections et il en était probablement très conscient.

 III. Un avenir fragile pour le Luxembourg ?

La coalition à trois pose un certain nombre de questions dans la vie politique luxembourgeoise. De prime abord, on peut se demander quel sera le poids du prochain gouvernement face à une opposition probablement très forte avec un seul parti d’opposition (CSV) ayant 23 sièges au Parlement contre 13 sièges pour le DP et le LSAP et 6 pour les Verts. Ensuite, le programme de coalition risque de devenir exclusivement un programme de compromis entre des visions divergentes au sein de la coalition. De plus, la question doit être posée de savoir quel sera l’avenir d’une telle coalition sachant que la voix de l’électeur a été mal respectée. En effet, le pays parait une première fois réellement divisé face à la politique au Luxembourg et ceci est exclusivement la faute de nos représentants et notamment du DP qui a voulu précipiter les évènements. Il ne me parait pas totalement inimaginable que les partis de coalition soient sévèrement sanctionnés lors des prochaines élections législatives dans le cas où le pays ne serait pas parvenu à poser les bases pour faire une sortie de la crise financière et sociale au Luxembourg. En tout cas, la pression sur le prochain gouvernement sera importante de ce point de vue et le CSV jouera probablement le rôle d’un parti d’opposition très fort et il est possible de s’attendre à ce que le CSV ne soit pas un parti d’opposition se laissant faire compte tenu des évènements de la semaine dernière.

Au final, il est important de noter que certes un renouveau politique est nécessaire au Luxembourg et il est certes vrai qu’un nouveau gouvernement doit d’abord avoir la chance de pouvoir relever certains défis avant qu’il soit trop fortement critiqué. Le renouveau politique en tant que tel est à la base très accueillant, c’est la manière dont il veut s’émanciper qui pose problème et dont les difficultés ont été abordées ci-dessus. Quoi qu’il en soit, les luxembourgeois espèrent que la léthargie et la politique de non-action de la dernière période de législature prendront fin, et c’est à mon sens la seule possibilité pour le gouvernement de réunifier le pays et de réconforter les électeurs.

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