Dans cet article, il s’agira de revenir rapidement sur le débat qui sera lancé prochainement sur le droit de vote des étrangers.
Après un premier développement se fixant plus sur le fond du débat, le présent article s’attachera plus à la forme sous laquelle le débat sera lancé et qui est d’une importance tout aussi capitale.
Le premier ministre Xavier Bettel a affirmé le 10 décembre 2013 pendant la présentation du programme gouvernemental à la Chambre des Députés que la question du droit de vote des résidents étrangers aux élections législatives sera posée lors d’un référendum en 2015, parmi d’autres questions auxquelles il conviendra de s’intéresser très prochainement. Jean-Claude Juncker, leader du parti de l’opposition CSV, a exprimé une certaine réticence à poser cette question par voie référendaire en tant qu’il a estimé que ce sujet pourrait potentiellement diviser la société luxembourgeoise, ce qui est probable, sans que pour autant cette probabilité devrait s’opposer au fait de soumettre cette dernière au peuple. C’est la manière dont elle sera posée qui est d’une importance cruciale.
Si l’usage et l’expression de la démocratie directe est tout à fait accueillante à ce sujet, elle n’est cependant pas exempte de tout danger. En effet, il s’agit ici d’un sujet qui risque à la fois de diviser l’opinion publique mais surtout elle risque d’engendrer une conception nouvelle, moins tolérante de la vie en commun entre luxembourgeois et étrangers. La raison de cette deuxième intervention sur ce sujet consiste donc dans le fait qu’il est important de mener cette discussion autour du droit de vote des étrangers à partir de certaines prémisses préalablement établies qui sont indispensables pour envisager un référendum et poser la question de l’intégration des résidents étrangers aux élections d’une manière cohérente.(I) Ce n’est qu’en respectant cette première condition qu’il sera possible de garantir la cohésion nationale ainsi que l’ambiance collégiale et respectueuse que les luxembourgeois entretiennent avec les non-luxembourgeois résidents et qui est absolument indispensable à la vie en commun dans notre pays. (II)
I. L’établissement d’un certain nombre de prémisses permettant de poser la question référendaire de manière satisfaisante
Sans vouloir reprendre les différents arguments exposés dans le premier développement sur ce sujet, il est impératif de poser la question du droit de vote des étrangers d’une manière qui n’assimile pas un refus du droit de vote des résidents étrangers avec une discrimination à l’égard de certaines de ces personnes. Plus précisément, il s’agit de réunir plusieurs conditions de base avant que la question soit soumise à un référendum de manière cohérente. En ce sens, il convient tout d’abord d’élargir les conditions d’obtention de la nationalité luxembourgeoise pour les personnes dont le pays d’origine accepte le système de la double nationalité ainsi que d’accorder un droit de vote aux résidents étrangers vivant depuis un certain nombre d’années au Luxembourg et qui attestent de leur incompatibilité par leur pays d’origine d’adopter une seconde nationalité afin d’obtenir une autorisation de vote par une autorité administrative luxembourgeoise. Il faut que tous les étrangers vivant au Luxembourg se trouvent dans la possibilité, soit d’adopter la nationalité sans devoir renoncer à la leur et de pouvoir voter par ce biais, soit de profiter d’une dérogation leur accordant la possibilité de voter en cas d’impossibilité d’adoption d’une seconde nationalité, pour que le débat sur l’accord ou non du droit de vote aux étrangers soit cohérent, respectueux et non discriminatoire.
La manière dont la question est abordée en ce moment est absolument insuffisante et empoisonne le débat politique sur ce point du fait que voter contre un élargissement du droit de vote aux étrangers équivaut à créer une discrimination à l’égard d’une certaine part de la population étrangère qui se trouve dans l’impossibilité de voter en tant qu’elle ne peut pas adopter la nationalité luxembourgeoise. Un tel point de départ au débat est absolument inacceptable. Il est inconcevable qu’un ‘’non’’ au référendum équivaut à créer une telle discrimination. Il faudrait cependant que nos pouvoirs publics et surtout le nouveau gouvernement crée ces conditions de base avant de soumettre la question au peuple. Si la question sera posée dans l’état du droit actuel, la question équivaut donc soit à accepter le droit de vote des étrangers au Luxembourg sous certaines conditions, soit de renoncer complètement à l’intégration des étrangers aux procédés démocratiques à un niveau législatif ce qui ne peut pas être l’essence de la question. Il ne s’agit pas ici tout simplement de voter ‘’oui’’ ou ‘’non’’ à l’extension du droit de vote des étrangers, il s’agit de protéger la nationalité luxembourgeoise dans ce débat sans que cette protection doive nécessairement s’opposer à l’intégration d’étrangers aux procédés démocratiques.
II. Une question référendaire devant être exempte de tout esprit de discrimination sans pour autant négliger l’importance de la nationalité luxembourgeoise
En ce sens, la question référendaire devrait être posée de manière à ce que les luxembourgeois n’aient pas seulement le choix d’accepter le droit de vote des étrangers aux élections législatives sous certaines conditions (années de résidence etc…) en votant par ‘’oui’’ soit en refusant tout simplement le droit de vote des étrangers en votant ‘’non’’, mais en y ajoutant une dimension consistant à intégrer dans la possibilité de pouvoir voter ‘’non’’ au droit de vote des étrangers une seconde question qui prévoit de créer des dérogations du droit de vote pour les personnes qui ne peuvent pas profiter du système de la double nationalité.
Les personnes ayant la nationalité d’un pays qui accepte le système de la double nationalité auraient ainsi l’obligation d’acquérir la nationalité luxembourgeoise pour faire part aux procédés démocratiques et les personnes dont le pays d’origine refuse l’acquisition d’une seconde nationalité pourraient profiter d’une dérogation sous certaines conditions, comme par exemple l’exigence d’un certain nombre d’années de résidence dans le pays, leur offrant tout de même la possibilité de voter s’ils le souhaitent. Ce n’est qu’en intégrant cette dimension dans la question référendaire que les prémisses du débat à l’égard des étrangers sera posée dans un cadre respectable et non discriminatoire.
Sans revenir sur les arguments exposés dans le premier article rédigé sur ce sujet qui est à lire ci-dessous, la question référendaire ne doit en aucun cas négliger l’importance de la nationalité luxembourgeoise et surtout de l’incitation à son acquisition par les résidents étrangers vivant sur le territoire luxembourgeois, sans pour autant être discriminatoire du fait que le ‘’non’’ se limiterait à l’exclusion totale des étrangers sans conditions aux élections législatives. Il est inconcevable que voter ‘’non’’ à cause du fait de vouloir protéger la nationalité luxembourgeoise équivaut à renoncer totalement au droit de vote des étrangers. La question est bien plus complexe et ne se résume pas à un simple ‘’oui’’ ou ‘’non’’ et il serait souhaitable que la question référendaire tienne compte de cette complexité. Si cette dimension offrant le droit de vote des étrangers sous certaines conditions, notamment donc sous la condition de l’impossibilité de l’acquisition pour ces personnes d’une seconde nationalité, peine à paraitre sur la feuille de vote, la question risque réellement de diviser le pays sur ce sujet. En effet, intégrer totalement les étrangers au droit de vote au Luxembourg risque de créer une situation pouvant attiser des tendances nationalistes au sein de notre petit pays qui n’ont jusqu’ici, et heureusement, trouvé que très peu de résonance. Ce constat ne doit cependant en aucun cas être évalué comme un argument du fait qu’il s’agit d’une conséquence éventuelle du débat qui ne s’attaque pas au fond de la question. Cependant, il révèle l’intérêt d’être prudent dans la formulation de la question référendaire.
En effet, l’intégration des étrangers au droit de vote au Luxembourg sans aucune condition de nationalité risquerait de poser problème du fait qu’il s’agit ici du pouvoir souverain qui, notamment en raison des données démographiques au Luxembourg projetant un avenir dans lequel les luxembourgeois seront sérieusement mis en minorité dans ce pays, glisserait des mains des luxembourgeois pour se retrouver de manière hybride quelque part entre les mains de tout le monde habitant le pays depuis un certain nombre d’années, ce qui pose la question du critère de l’identification et de la cohésion nationale.
Quoi qu’il en soit, le multiculturalisme luxembourgeois crée une richesse énorme dans notre pays de laquelle les luxembourgeois peuvent être fiers, c’est aux autorités politiques que reviendra la responsabilité de lancer ce débat sans enfreindre la cohésion nationale. En ce sens, il faudra être prudent et lucide dans l’articulation de la préservation de l’identité luxembourgeoise tout en restant une terre d’intégration facile pour des étrangers résidant au Luxembourg.
Pour conclure, il est donc important que la question référendaire englobe trois dimensions, une première acceptant le droit de vote des étrangers, une seconde refusant le droit de vote des étrangers et qui englobe une troisième dimension qui refuse le droit de vote des étrangers mais crée des dérogations pour les personnes qui se voient dans l’impossibilité d’obtenir la nationalité luxembourgeoise à cause du fait que leur pays d’origine la leur refuse. Cette dernière dimension se base en ce sens sur un compromis qui permet au mieux d’intégrer les étrangers aux procédés démocratiques luxembourgeois sans que pour autant la nationalité luxembourgeoise doive être négligée. Ce n’est qu’ainsi que cette question référendaire sera posée de manière satisfaisante, que le débat peut être mené d’une manière digne et respectueuse et que la cohésion nationale pourra être maintenue.