D’une manière générale, les résultats des élections européennes n’ont au fond rien de surprenant. Le PPE et le PSE forment les plus grands groupes au Parlement européen et les partis eurosceptiques et anti-européens connaissent une large poussée en matière de députés européens. Ces poussées anti-européennes, sans les négliger, ne doivent pas être surévaluées en tant qu’elles étaient prévisibles et sont une conséquence de la période difficile qu’à connu l’Europe au cours de ces dernières années marquées par les politiques d’austérité, le chômage record et la perception de la “monarchie absolue bruxelloise’’ qui est trop éloignée des européens.
Les élections doivent néanmoins interpeller tous les citoyens européens en tant qu’elle sont l’expression d’une exaspération générale à laquelle il faut remédier au plus vite ce qui se traduit par une plus grande justice sociale, de la croissance, de l’emploi et surtout et aussi une plus grande transparence des institutions européennes ainsi que plus de démocratie. Ce n’est qu’en tournant à ces visses que la construction européenne aura un avenir.
Pour revenir aux élections, il y a surtout un pays qui a fait parler de lui après les résultats des élections; la France. En effet, l’euroscepticisme en France est plus grand que dans tous les autres pays européens et cette situation doit inquiéter en tant qu’il s’agit de la deuxième économie de la zone euro et d’un pays comptant 65 millions d’habitants et dont les votes pour l’extrême droite se sont banalisés depuis au plus tard les municipales du début d’année.
Le développement suivant sert à analyser les causes de ce rejet clair de l’Union européenne par les Francais et de proposer des solutions pour remédier à cette crise que connait la politique francaise et qui se propage nécessairement dans les institutions européennes et de laquelle nous sommes tous concernés. L’enjeu de ce rejet francais va au-delà des frontières de l’hexagone et il est important de tenir compte de ceci. De prime abord, en ce qui concerne les trois premiers partis, le Front national a donc emporté les élections avec 25% des suffrages, contre 20% pour l’UMP et 13% pour le PS. Les deux chiffres remarquables sont donc le score extraordinaire du Front national qui pour la première fois gagne des élections ainsi que le score extrêmement bas des socialistes ce qui se traduit très clairement par un rejet de la politique gouvernementale et des Francais qui se sentent étranglés par les hausses d’impôts qui pèsent sur les classes moyennes. Cependant, présenter le vote pour le Front National tout simplement comme un vote dirigé contre la politique gouvernementale serait complètement erroné en tant qu’il y a plusieurs facteurs qui contribuent à cette montée croissante de l’extrême droite en France et il convient de les analyser pour faire ressortir ce malaise dans la société francaise qui est fondamental.
La politique gouvernementale comme vecteur du rejet des pouvoirs institués
La prise de pouvoir des socialistes lors des dernières présidentielles de 2012 ont confié une tâche extrêmement difficile à Francois Hollande et le gouvernement. La France a du faire des efforts sans précédent en vue d’assainir ses finances publiques avec un déficit public ayant atteint les 5% et une dette publique de quasiment 60% du PIB. Si ces efforts ont été nécessaires en vue de redonner de la souveraineté budgétaire à la France, sachant que le remboursement de la dette ampute considérablement le budget, cette politique n’a néanmoins pas été accompagnée d’une croissance économique attendue et promise et par conséquent d’un chômage record. Les Francais ont très clairement exprimé, déjà lors des élections municipales, leur ras-le-bol des promesses non-tenues du gouvernement et de l’étranglement d’impôts pesant sur eux et ont très largement sanctionné la majorité socialiste au niveau communal. La déception quant à la politique menée par le gouvernement est un des facteurs ayant contribué à la poussée du Front national mais ce n’est de loin pas le plus important.
Le manque d’alternative politique et le visage désolant offert par l’UMP
Plus que le manque de confiance dans la politique gouvernementale, le vote Front national a été motivé par l’absence de réelle alternative politique attirant les électeurs vers ses côtés. En effet, il n’est pas démesuré d’affirmer que l’UMP a largement contribué au succès du Front national de par son image désolant pour ne pas dire ridicule qu’elle a délivré au cours de ces dernières années. Les Francais n’ont pas oublié la guerre interne pour la présidence de l’UMP largement divisée entre Copéistes et Fillonistes, et l’UMP n’aurait pas pu démontrer plus clairement qu’elle est sérieusement divisée dans son fort intérieur. Cette famille politique, étant de loin le plus grand parti d’opposition, a une lourde responsabilité à contrebalancer de manière cohérente la politique gouvernementale, comme c’est la donne dans les démocraties parlementaires, et a complètement échoué dans sa mission a crédibiliser la politique francaise en se présentant sans direction, sans âme et vision. Si au niveau local, l’UMP a connu un succès lors des municipales, le manque de vision et de direction a été total et absolu en ce qui concerne les élections européennes. Divisée entre son président contesté Jean-Francois Copé qui se présente timidement comme pro-européen avec réserves, Laurent Wauquiez qui prône une Europe à 6 couplée à une sortie pure et dure de Schengen et des souverainistes comme Henri Guaino affirmant publiquement ne pas voter pour les listes UMP aux élections européennes, l’UMP a atteint le comble du ridicule et a largement contribué à rendre encore moins crédible la politique aux Francais. Si d’illustres membres de l’UMP affirment publiquement ne pas supporter les listes UMP aux européennes, comment vouloir mobiliser l’électorat de droite à voter UMP? Par conséquent, une certaine partie de l’électorat à droite de l’UMP a très certainement préféré voter Front national lors de ces élections ce qui est un désastre à la fois pour la droite et pour la démocratie.
Le manque d’intérêt quant aux affaires europeénnes et la conception erronnée de la situation de la France en Europe
A part le manque de confiance dans la politique du gouvernement et l’absence de réelle alternative politique, le vote Front national est aussi tout simplement un vote rejet des institutions européennes et de manière générale d’une Europe qui est jugée trop éloignée des citoyens et dont les Francais n’ont pas l’impression qu’elle réussit à relever les défis qui se posent pour eux. Si l’Europe a naturellement sa responsabilité à assumer, notamment à travers le manque de démocratie et de transparence dans les institutions, il faut dire que l’intérêt révélé pour les institutions européennes est en France parmi les plus bas en Europe. Une récente étude réalisé par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a démontré que les médias francais sont parmi ceux qui thèmatisent le moins les affaires européennes dans les journaux télévisés. Les médias ont eux aussi une part de responsabilité dans le fait de ne pas inciter à un intérêt croissant des affaires européennes. Si les médias ne thèmatisent pas ce qui se passe à Bruxelles ou Strasbourg, il est clair que les Francais ne deviendront certainement pas moins hostiles à l’Europe et la jugent facilement trop éloignée. Les médias ont la tâche de rapprocher l’Europe des Francais en les informant sur ce qui se passe en Europe et au niveau de la politique européenne car avec tous les défauts que l’Union européenne connait, non pas tout ce qui est décidé en Europe est nécessairement mauvais. Cependant, ne thématiser que ce qui ne va pas en Europe ne sert certainement pas à la crédibiliser. Pour remédier à cet euroscepticisme croissant au sein de la population, il est important tout d’abord au niveau supra-national que les institutions européennes se démocratisent et qu’elles fassent preuve de plus de transparence ce qui concerne surtout la Commission européenne qui a un devoir fondamental et crucial à se réformer si l’UE veut regagner la confiance de ses citoyens. L’Union européenne est la première qui doit changer et à ce sujet il faut mener des débats sur tous les sujets qui occupent les citoyens, que ce soit la politique économique et monétaire, la démocratisation des institutions ou encore l’immigration.
En second lieu, l’alternative politique doit se reconstruire, c’est-à-dire que l’UMP doit afficher une vision claire non pas seulement au plan national mais aussi pour l’Europe afin de se recrédibiliser aux yeux des Francais et constituer une réelle alternative politique à celle du gouvernement et non pas inciter la détresse des francais en les faisant voter Front national. Troisièmement, la conception de l’Europe doit changer pour les Francais. Personne ne nie que la France est une Grande Nation, mais il est important pour les Francais de réaliser que cette Nation n’a réellement d’avenir que dans son intégration au sein d’une Union européenne forte, et qui doit nécessairement être réformée. Mais l’image de la Grande Nation qui n’a pas besoin de l’Europe est complètement erronnée et doit être corrigée et il incombe aux médias à travers une documentation objective de la politique européenne ainsi qu’aux partis politiques démocratiques, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition, de transmettre cette réalité aux Francais.
En guise de conclusion, il m’est important de souligner que l’article suivant n’est pas destiné a donner des lecons de morale à la France, car ce qui est vrai dans ce cas pour la France, l’est aussi pour un bon nombre d’autres pays de l’Union européenne, mais l’exemple de la France peut servir pour souligner les défauts de la démocratie européenne et pour nous donner des pistes à suivre en vue d’une sortie sereine et déterminée de la crise identitaire européenne et pour un meilleur avenir partagé avec tous les européens.